Le chantage de Ryanair
Nous reproduisons ci-dessous l'article de La Charente Libre :
Le «non» au chantage de Ryanair
Samedi 12 décembre 2009
Ismaël KARROUM
Cela devrait vrombir aussi sèchement que le réacteur d'un Boeing 737 lundi matin autour de la table du syndicat mixte de l'aéroport Angoulême-Cognac. A l'heure des orientations budgétaires, les élus devraient provisionner une enveloppe d'un montant de 225.000 euros pour accompagner la communication sur internet des lignes de Ryanair au départ de Brie-Champniers. Mais la compagnie low cost a allumé la mèche en expédiant une lettre lundi dernier aux élus charentais. Un courrier dans lequel l'avionneur irlandais demande aux collectivités de gonfler leur budget pour soutenir la communication de la compagnie aérienne. Sans préciser de chiffre et en disant, grosso modo: «Faites-nous des propositions.»
A Poitiers, le mois dernier, c'est un million d'euros de rallonge «marketing» que la compagnie irlandaise a demandé aux collectivités pour maintenir ses lignes dans la capitale poitevine. Même schéma à Bergerac, La Rochelle, Limoges... Michel Boutant, le président du conseil général et sénateur de la Charente, met les gaz au moment d'aborder le fameux «courrier». «Ryanair doit cesser de nous prendre pour la poule aux oeufs d'or», assène l'élu.Le Département, la Comaga (communauté d'agglomération du Grand-Angoulême), la communauté de communes de Cognac et les chambres de commerce et d'industrie (CCI) d'Angoulême et Cognac sont liés pour cinq ans avec Ryanair.
Dernière ligne droite pour le contrat
Le contrat entamé en 2007 court jusqu'en 2012. Il prévoit trois versements: l'un de 400.000 euros, un second de 300.000 euros et un dernier de 225.000 euros afin de financer la communication de la compagnie low cost. «A lui seul, le Département finance 70% de ce budget promotion», précise Michel Boutant. Selon les termes du courrier expédié en début de semaine, Ryanair incite les Charentais à doper leur contribution. Le contrat entre dans sa dernière ligne droite. Chaque camp se positionne avant d'aborder la négociation future.
Michel Boutant n'a pas l'intention de se retrouver en position de faiblesse face au géant des vols low cost. «Ryanair joue la carte de la concurrence entre Poitiers, La Rochelle, Bergerac, Limoges et Angoulême. Ils demandent toujours plus! Mais là, ça devient excessif», peste l'élu. Qui glisse: «Surtout lorsque l'on voit les résultats de cette entreprise.» La compagnie a annoncé un bénéfice net de 136,5 millions d'euros au premier trimestre 2009.Michel Boutant a décidé de prendre son bâton de pèlerin pour constituer un front capable de faire face à Ryanair. «Voir aussi ce que ça nous rapporte»
«Je vais solliciter mes collègues de la Vienne, Dordogne, Charente-Maritime et Haute-Vienne afin que nous adoptions une position commune face à Ryanair», décrit le président du conseil général de la Charente, visiblement agacé de voir la compagnie irlandaise brandir la menace des fermetures de lignes aux quatre coins de la région.Président de la CCI d'Angoulême, Daniel Braud se veut moins ferme que les politiques. «Nous ne sommes pas dans la position de Poitiers! Nous, nous avons un contrat qui court encore pour trois ans! On n'est pas au pied du mur, on ne peut pas tout perdre maintenant», juge-t-il.
Lundi, il essaiera de convaincre les élus du syndicat mixte de l'aéroport Angoulême-Cognac des bénéfices engendrés par les lignes de Ryanair. «Il faut évidemment voir ce que ça nous coûte, mais il faut aussi bien regarder ce que ça nous rapporte! Ce sont quand même 30.000 personnes qui débarquent en Charente pendant quatre mois», rappelle-t-il. Il concède: «Si Ryanair nous demandait un million d'euros comme à Poitiers, ce ne serait pas raisonnable. Là, à nous de mener une négociation et de payer le juste prix», estime l'élu consulaire. Dans la négociation, il est prêt à payer plus s'il obtient plus: «En échange, on peut demander plus de rotations, plus d'horaires, voire une ou deux destinations supplémentaires. Notre aéroport est calibré pour trois dessertes. Au-delà, on ne peut pas, en deçà, on n'est pas bien.» Et à zéro, ce serait la catastrophe.
29.731 passagers ont été transportés entre Londres et la Charente par Ryanair cette année.52 millions d'euros, ce sont les retombées économiques injectées directement et indirectement par les lignes Charente - Londres dans l'économie charentaise. 925.000 euros. C'est ce que les collectivités doivent verser, en trois fois, pour accompagner la promotion de Ryanair lors des cinq années du contrat liant collectivités et compagnie aérienne. Il ne reste qu'un seul versement à effectuer.85%. C'est le taux de remplissage moyen en 2009 de la ligne Angoulême - Londres. Il était de 78% en 2008.5.083 Britanniques vivent en Charente selon l'Insee. Ils sont 12.972 en Poitou-Charentes.